Témoignages
Trois types de témoignages sont présentés : des récits de réfugiés, des parcours d'insertion vus du côté des professionnels et des initiatives racontées par les personnes qui les mettent en oeuvre. Ils montrent qu'une intégration professionnelle réussie demande l'implication conjointe de plusieurs acteurs. Ils sont accessibles soit directement soit par mots clés.
Quand un comportement peut être mal interprété
Omar est un Syrien qui travaille comme ouvrier non qualifié dans une cuisine. Au début, il ne mangeait jamais avec ses collègues pendant sa pause déjeuner et insistait pour rester dans la cuisine pendant que tous les autres employés et le directeur déjeunaient ensemble. Au Danemark, ne pas déjeuner avec ses collègues est considéré comme impoli et socialement gênant. Après des tentatives infructueuses pour le convaincre de se joindre à eux pour le déjeuner, Omar a été convoqué pour une mise au point : il a expliqué qu'en Syrie, il n'est pas courant de manger avec le directeur et qu'il devait décliner les invitations pour ne pas manquer de respect à ses patrons. Au cours de l'entretien, ils ont parlé des règles non écrites et des attentes sur un lieu de travail danois où les relations hiérarchiques ne s’expriment pas de la même manière. Omar a donc commencé à participer aux déjeuners communs (tout en continuant à trouver cela gênant au début).
Le bénévolat accélérateur d’insertion : en complément des mesures pour apprendre la langue
« Lorsque je suis arrivée en France avec mon mari et mon fils, j’étais enceinte. Je ne connaissais que quelques mots de français : « bonjour, au revoir, merci, je ne comprends pas ». J’avais fait des études de musique dans mon pays. J’ai travaillé 11 ans comme professeur en école de musique et en école primaire pour des cours de chants. Dès mon arrivée en France, j’ai voulu suivre des cours pour parler français. Ça a commencé aux Restos du cœur puis lorsqu’on a été au CADA j’ai encore suivi des cours. Comme mon fils allait à l’école, je regardais ses devoirs et j’ai appris comme cela en suivant son travail d’école. J’ai aussi beaucoup regardé la télé française. Quand on a été à l’OFII pour signer le contrat d’accueil et d’intégration on nous a envoyé au Greta pour suivre des cours de français. J’ai fait la formation obligatoire et j’ai passé le DELF A1. J’ai continué encore jusqu’au DELF A2 toujours grâce à l’OFII. Ensuite, j’ai suivi une formation avec pôle emploi de 600 heures. Vraiment ça m’a beaucoup aidé.
L’apprentissage de la langue m’a ouvert des portes. Je peux parler, expliquer ce dont j’ai besoin. Connaitre le français m’a beaucoup aidé. Je peux m’exprimer, dire ce que je pense. Ici les gens pensent librement, il ne faut pas avoir peur de parler. Il ne faut pas se décourager car parfois c’est difficile. Sortir de la maison, être en contact avec les autres et ne pas rester avec les gens de son pays. Le fait aussi d’être en contact avec le travailleur social du CADA a été important aussi. Moi, j’avais toujours été très active et je voulais vraiment travailler. Je voulais continuer à travailler dans la musique comme professeur. Il fallait que je trouve quelque chose à faire, même bénévolement. Après la naissance de mon deuxième fils, j’ai fait du bénévolat à la crèche mais aussi à l’église pour les fêtes de la musique. Je joue d’un instrument de mon pays. Grâce à la crèche j’ai été repérée par une personne de la mairie pour participer à la fête des bébés et jouer de la musique. Je joue aussi pour des fêtes de quartier, et avec l’orchestre symphonique du conservatoire de musique. Je chante dans une chorale comme soliste. Un jour on m’a proposé un remplacement au conservatoire comme professeur de piano, puis des cours de solfège dans les villes aux alentours, de l’initiation musicale également. Depuis, je fais même des remplacements pour la chorale, je remplace beaucoup.
En France, il y a beaucoup d’aides sociales, surtout au niveau de la santé. J’ai été bien entourée à la maternité pour la naissance de notre deuxième enfant. Les femmes ont plus de droits ici. Mais je peux dire que les mentalités se ressemblent avec celles de mon pays, elles sont assez semblables. On a les mêmes fêtes religieuses. En plus, je vivais dans une petite ville comme ici.
Mon fils s’est très bien adapté.
L’an dernier j’ai suivi une formation pour valider un niveau B1 par l’OFII et j’ai pu faire ma demande de naturalisation. Je suis très contente d’être là. »
Surmonter la barrière de la langue et le manque de compétences
Seedy est arrivé en Espagne en 2009, lorsque la crise financière a éclaté mais son statut juridique n’a été régularisé qu’à la fin de 2018, de sorte qu’il a dû effectuer des travaux durs et mal payés, sans être déclaré. Dans ces emplois, il n’a pas eu l’occasion d’apprendre l’espagnol correctement.
Parce que les services sociaux ont orienté Seedy vers les services de l’emploi de Solidaridad Sin Fronteras, il a commencé un parcours axé sur l’acquisition des compétences clés pour s’adapter aux besoins du marché du travail espagnol. Il n’avait pas suivi d’études en Gambie mais le principal problème était le manque de maîtrise de l’espagnol. Seedy a suivi un double itinéraire : tout en acquérant les compétences nécessaires pour travailler, il a également amélioré son niveau d’espagnol. Cela lui a permis d’obtenir un contrat de manutentionnaire dans un supermarché.
Aujourd’hui, Seedy continue à fréquenter les services de l’emploi de la SSF et son niveau d’espagnol s’améliore grâce à la combinaison des cours d’espagnol et de l’utilisation régulière au travail.
Valider son diplôme tout en créant une entreprise
Patricia est arrivée en Espagne en 1997 de l’Equateur, où elle avait obtenu un diplôme de premier cycle en administration des affaires. Jusqu’en 2011, lorsqu’elle a perdu son emploi, elle ne s’est pas souciée de la validation de ses connaissances antérieures, car elle n’a pas eu de difficultés à trouver un emploi en Espagne, mais toujours dans des fonctions non qualifiées.
De 2011 à 2017, ne trouvant pas d’emploi permanent à temps plein, elle a dû recourir à l’aide sociale.
Ensuite, elle a été transférée au service de l’emploi de Solidaridad Sin Fronteras. Elle a exposé son cas à l’assistante sociale, qui l’a guidée pour commencer le processus de validation de son diplôme, ce qui prend plus d’un an en Espagne. En même temps, elle a suivi pendant 6 mois une formation différente, pour améliorer ses compétences numériques et entrepreneuriales, au cours de laquelle elle a dû élaborer un business plan en attendant d’obtenir la validation.
Avec le soutien de Solidaridad Sin Fronteras, elle a obtenu une bourse pour financer son idée d’entreprise : un restaurant “arepas” à Alcorcón, une ville proche de Madrid.
La cuisine moteur d'insertion
Jackeline, 32 ans, est une Camerounaise arrivée en Italie en 2016. Elle a été prise en charge par les services sociaux pour les bénéficiaires d’une protection internationale.
Apprendre l’italien n’a pas été difficile car elle avait un bon niveau d’éducation. Elle a deux emploi, selon les périodes saisonnières : en hiver, elle travaille dans un hospice, tandis que le reste de l’année, elle travaille dans une coopérative agricole où elle s’occupe de la culture de fruits et légumes, ainsi que de la transformation de produits. Elle a appris à faire des marmelades, des confitures, des sauces et d’autres produits typiques du Piémont. Elle est fière d’avoir inventé une nouvelle sauce, Jackeline sauce, qui est inspirée des cuisines africaine et italienne.
C’est ce métier qu’elle préfère, tandis que le travail à l’hospice reste un job alimentaire. Avec la coopérative, elle fait preuve d’une grande compétence commerciale dans la promotion de leurs produits. Son italien est excellent. Elle ne parle pas de sa vie antérieure, à laquelle elle semble accorder moins d’importance maintenant. Elle se sent vraiment une habitante de Turin.
La motivation et l’auto-efficacité génèrent un cercle vertueux pour apprendre la langue
Marine, 40 ans, est une femme ivoirienne arrivée en Italie en 2014. Elle a grandi dans une famille de six enfants, elle a passé son enfance avec un cousin qui ne la laissait pas aller à l’école.
Quand elle est arrivée en Italie, elle était analphabète et avait une mauvaise connaissance du français oral. Pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire, elle avait quitté le pays pour la Libye, où les conditions de vie étaient aussi difficiles et dangereuses. Elle a donc décidé d’en partir avec Ghanéen qui partageait les mêmes mauvaises conditions de vie.
A son arrivée en Italie, elle a été suivie par une coopérative travaillant avec les réfugiés et elle a été immédiatement inscrite dans un programme d’alphabétisation où elle a appris à écrire et à lire en italien. Ce fut vraiment difficile pour elle et elle avait honte par rapport à ses camarades (tous réfugiés adultes mais avec une éducation supérieure), mais elle était très motivée pour apprendre l’italien : son engagement était à plein temps car après les cours elle continuait à étudier. La télévision sous-titrée en italien a été une excellente source d’auto-apprentissage. Elle avait l’habitude de se fixer de petits objectifs hebdomadaires dans l’apprentissage de l’italien ; elle a vécu chaque objectif atteint comme un succès qui la poussait à se fixer des objectifs plus élevés. Aujourd’hui, elle lit et parle couramment et n’a que quelques problèmes d’écriture.
Elle se sent très reconnaissante et dit qu’ « ils l’ont laissée devenir une personne ». Elle travaille comme cuisinière stagiaire dans un centre d’accueil pour mineurs non accompagnés et est capable de subvenir à ses besoins (en Italie, ces stages appelés borse lavoro sont spécifiquement définis pour les réfugiés et les bénéficiaires de protections internationales et sont payés par l’administration publique nationale ou locale). Elle est fière d’elle même si les peines de sa vie antérieure en Afrique sont encore ouvertes, mais maintenant elle a de nouveaux projets pour l’avenir : préparer un diplôme en cuisine et apprendre le français.
Une succession de choix individuels et familiaux soutenus par des associations locales
« J’ai quitté mon pays car j’avais des problèmes avec le gouvernement, j’avais une grosse entreprise en Arménie et avec la corruption, il fallait toujours payer pour travailler. J’ai décidé d’arrêter cela. Ce qui était important c’était de protéger ma famille. Quand j’ai décidé de partir je ne savais pas où aller mais la France je connaissais. J’imaginais la France comme un pays de liberté. A mon avis la France est le seul pays sur la planète où on trouve la liberté, l’égalité.
On est arrivé avec ma femme et mon fils à Clermont en car. On a demandé la protection de l’Etat français à la préfecture directement. On a eu un bon accueil dès le début. On a été hébergé en hôtel un mois environ par la préfecture puis on a été logé en CADA par l’association CECLER. Notre fils est allé à l’école. Six mois après notre arrivée en France, on a été envoyé dans un autre CADA. Là-bas on a côtoyé des gens de beaucoup de nationalités différentes. C’était très important car on devait parler le français. Notre logement était adapté et meublé, propre. Une association sur place « Les restos du cœur » donnait des cours de français. Notre fils était lui toujours scolarisé.
Du côté du travail, il fallait beaucoup de volonté, c’est moi qui ai choisi ce que je fais. C’est moi qui voulais décider, je voulais pas faire n’importe quoi, j’avais mon idée en tête. Au CADA je m’ennuyais et surtout je voulais rendre ce qu’on nous donnait. J’ai travaillé comme bénévole à Emmaüs en utilisant mes compétences en ébénisterie et menuiserie. L’OFPRA nous a accordé la protection internationale et on est allé signer le contrat d’accueil et d’intégration à Clermont. Grâce à ça, j’ai pu suivre des cours de français tout en continuant mon travail à Emmaüs. J’ai bien progressé.
Comme j’avais laissé mon permis en Arménie, je ne pouvais pas conduire. C’était un gros problème, j’étais pas autonome et très dépendant des autres. Avec ma famille on était coincé, on pouvait pas se déplacer. C’est Pôle emploi qui a financé mon permis le conduire. J’ai travaillé la nuit pour apprendre tous les mots par cœur pour passer le code que j’ai eu du premier coup. Après, quand j’ai reçu mon permis, j’ai pris un crédit à la banque pour acheter un véhicule. Avec la voiture, j’ai distribué des prospectus pendant 26 mois. Le salaire était très variable, la situation assez instable. Le directeur d’Emmaüs m’appréciait bien et m’a donné beaucoup de conseils. J’ai fait une formation à l’AFPA en menuiserie agencement. Mais personne voulait m’embaucher en sortant de cette formation. De toutes façons moi je voulais travailler à mon idée, je voulais pas faire n’importe quoi. Mes amis m’ont donné des informations, m’ont aidé à comprendre le fonctionnement des choses. Et du coup, je suis allé à la chambre des métiers pour voir comment créer mon activité et j’ai fait la formation de 4 jours, j’ai payé ma formation et j’ai eu le droit de m’installer comme auto entrepreneur. Aujourd’hui je travaille bien, je suis en contact avec des magasins de cuisine qui font appel à moi pour monter les meubles chez les clients.
Plusieurs choses ont été importantes pour moi, le bon accueil de la France à notre arrivée, un bon logement. Ce qui a été important c’est qu’on avait beaucoup de relation avec des Français. Je dirai qu’aujourd’hui 70 % de nos relations sont françaises.
Mais ce qui était important pour moi c’était que je savais ce que je voulais, que j’avais envie de travailler et que je voulais pas me laisser porter par les autres. Je voulais la liberté de faire ce que je voulais, et je voulais une bonne vie !
Maintenant je veux avoir une maison, c’est le prochain projet. »
Participation à un programme de stages en entreprise
Rania est une réfugiée syrienne. Elle a 36 ans. Elle est arrivée au Danemark en juillet 2014 avec son mari et leurs enfants. Rania est titulaire d’un baccalauréat en littérature anglaise de l’Université de Damas.
Depuis le début de l’année 2016, Rania est en voyage, passant du chômage à un stage dans le cadre du programme de stages en entreprise de Novo Nordisk, pour décrocher son emploi de rêve d’administratrice d’essais cliniques chez Novo Nordisk en avril 2017.
Au cours de mon stage chez Novo Nordisk, j’ai définitivement pris conscience de mes propres forces et compétences. Mais ce qui a vraiment fait de ce stage une expérience révolutionnaire, c’est que toutes les personnes que j’ai rencontrées m’ont fait me sentir la bienvenue. Ils m’ont aidé à développer mon estime de soi professionnelle et m’ont soutenu dans le développement de mes compétences. Et ils l’ont fait par souci sincère pour moi. Je ne l’oublierai jamais ».
Pour Rania, le programme de stages en entreprise a été une voie d’intervention extrêmement réussie pour améliorer son accès au marché du travail car il lui a offert une ouverture.
Le rôle du parrainage
Khawla, 36 ans, est une Syrienne arrivée au Danemark en 2014. Comme beaucoup d’autres nouveaux Danois, elle a eu du mal à transférer ses expériences antérieures du système éducatif et du marché du travail syrien dans un contexte danois.
En Syrie, elle a obtenu un diplôme en droit correspondant à un baccalauréat aux normes danoises. Cependant, elle a rapidement commencé une formation professionnelle pour devenir assistante sociale. Elle s’est inscrite à un programme pour être mise en relation avec un parrain. Celui-ci a joué un rôle clé pour son avenir, car il a aidé Khawla à naviguer dans le système. Elle a réalisé qu’elle était intéressée par les mathématiques, et qu’elle avait envie de se former pour trouver un emploi dans ce domaine.
Son parrain l’a aidée à faire des recherches sur différentes industries au Danemark, et ils ont découvert qu’une formation en ingénierie lui conviendrait. De plus, c’est une industrie avec une pénurie de main-d’œuvre. Khawla suit actuellement un cours préparatoire et s’attend à être admise dans une école d’ingénieurs prochainement.
Suivi d’un migrant
Maria, 32 ans, a demandé l’asile en Espagne il y a 10 mois. Au Venezuela, elle a travaillé dans le secteur bancaire. Elle n’a pas demandé l’équivalence de son diplôme. La plupart des immigrants ne le font pas, pensant que c’est inutile ou parce qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer le coût.
Ayant perdu ses papiers, elle se retrouvait sans papiers. Comme le paiement d’une chambre était urgent, avec l’aide d’un conseiller en orientation professionnelle, elle a publié une annonce pour faire des ménages. Elle a ainsi travaillé comme domestique dans le secteur informel pendant qu’elle attendait ses papiers légaux.
Quand sa situation a été régularisée, elle a cherché d’autres opportunités et a trouvé un travail dans une entreprise de télémarketing.
C’est une personne avec une grande motivation, des capacités de recherche d’emploi et des compétences numériques. L’accompagnement dont elle a bénéficié s’est centré sur la recherche de logement, le fonctionnement du marché du travail espagnol, la sécurité sociale. Il s’est déroulé en séances individuelles, car elle ne pouvait pas venir aux séances de groupe en raison de ses heures de travail.
On constate que les professionnels se sont adaptés à la situation personnelle de la nouvelle arrivante, l’aidant à faire face à une situation économique critique au début et à développer une nouvelle carrière lorsque sa situation juridique a été stable. En outre, ils se sont concentrés sur les apprentissages de base sur les procédures du système social et du travail espagnol.
Adaptation aux besoins d’un migrant
Ana, Colombienne de 40 ans vit en Espagne depuis six mois avec ses trois enfants. Elle est divorcée. Elle n’a pas demandé d’équivalence pour son diplôme d’études secondaires et elle ne mentionnait pas dans son CV son expérience de serveuse en Colombie. Très active et très motivée, elle a suivi plusieurs cours (cuisine et service).
Elle a très bien accepté les séances d’orientation, mais individuellement. Bien que sa conseillère ait identifié un manque de compétences numériques pour chercher un emploi, Ana n’est pas venue aux ateliers de groupe sur ce sujet. La motivation pour développer cette compétence a eu lieu lors de rencontres individuelles. Au début, c’est le professionnel qui faisait le travail à sa place : s’inscrire sur les sites d’offres d’emploi, postuler à des offres. De bons résultats l’ont amenée à s’intéresser aux compétences numériques et elle a commencé à être motivée pour en apprendre davantage.
L’intervention s’est adaptée aux besoins mais aussi à la volonté de la personne en comprenant qu’elle avait changé ses priorités et ses objectifs d’emploi : elle a accepté un travail de serveuse, ce qui au début ne l’intéressait pas du tout.
Une intégration professionnelle et sociale réussie grâce à la volonté intrinsèque de poursuivre ses objectifs
Yunan a 25 ans lorsqu’il arrive en France en 2017. Avec ses parents et sa sœur, ils ont fui leur pays en guerre, l’Irak. Ils rejoignent la Haute-Loire pour retrouver des membres de la communauté irakienne originaires de la plaine de Ninive. Ils sont accueillis par une paroisse catholique dont fait partie sa fiancée. L’accompagnement mis en place par la paroisse permet à Yunan et sa famille d’être logés dans un environnement où les contacts avec des Français sont quotidiens. Épaulés dans leurs démarches administratives, ils bénéficient du réseau des bénévoles pour les questions matérielles, notamment de déplacement.
Il obtient le statut de réfugié quelques mois plus tard. Très actif, Yunan participe bénévolement à des travaux de rénovation puis trouve un emploi de plâtrier peintre grâce au réseau des bénévoles. Yunan demande par conséquent un report de la formation linguistique qui lui est prescrite par l’Office français de l’immigration et de l’intégration lors de la signature du contrat d’accueil et d’intégration.
C’est donc au contact des bénévoles puis de ses collègues de travail, que Yunan acquiert les bases en français et développe des compétences à l’oral dans un premier temps. Au niveau personnel, Yunan se marie au sein de la communauté irakienne présente au Puy. Quelques mois plus tard, conscient de l’importance de maîtriser le français à l’écrit Yunan prend contact avec le Greta pour commencer la formation linguistique obligatoire prescrite par l’OFII même s’il a déjà atteint à l’oral le niveau A1 visé. La formation sera donc surtout orientée sur le travail de l’écrit afin que Yunan puisse prétendre à de nouvelles responsabilités au sein de l’entreprise qui l’emploie. En effet, même si les études supérieures qu’il a suivies en Irak ne sont pas dans le secteur du bâtiment, il a été formé au management d’équipe et son employeur actuel souhaite lui confier un poste de chef d’équipe.
Yunan dit vouloir poursuivre dans le pays d’accueil les objectifs qu’il avait dans son pays d’origine, à savoir exercer un métier à responsabilité, fonder une famille et construire une maison. Pour Yunan le sésame pour réaliser ses objectifs est la volonté qu’il déploie notamment dans le travail ainsi que le désir de participer à la « vie de la cité ». Il souhaite demander la nationalité française et s’est inscrit au test TCF qui validerait son niveau B1 en français à l’oral afin de pouvoir déposer dans les prochaines semaines son dossier de demande de naturalisation.
La réussite de cette insertion tant professionnelle que sociale nous parait avoir deux causes principales :
- la volonté et la détermination de Yunan à vouloir poursuivre des objectifs intrinsèques.
- le soutien apporté par la communauté paroissiale qui a accueilli la famille de Yunan.
Un bilan de compétences suivi d’un parcours complet d’intégration incluant des stages en entreprise
Madame S est arrivée du Cameroun en France en 2011 dans le cadre d’un regroupement familial. Elle n’a jamais été scolarisée. Elle est analphabète mais se débrouille bien en calcul. Elle a plus de 45 ans et une longue expérience professionnelle dans le commerce en Afrique puisqu’elle était vendeuse sur les marchés.
Madame S a signé le CAI dans les 2 ou 3 mois qui ont suivi son arrivée en France. L’OFII lui a prescrit une formation linguistique dans l’objectif surtout de travailler les compétences écrites même si l’expression et la compréhension orale ont été également améliorées. En effet, son vocabulaire nécessitait d’être enrichi, Madame S ayant pratiqué dans le pays d’origine une langue vernaculaire.
Madame S a donc suivi le parcours FLE obligatoire de l’OFII mais aussi le parcours complémentaire là encore financé par l’OFII. Parallèlement, elle a pu réaliser un bilan de compétences également prescrit par l’OFII dans le cadre de la signature du CAI. Ce bilan a permis à madame S de prendre conscience et d’identifier les compétences qu’elle avait acquises tout au long de sa vie de travail même si celui-ci était dans le secteur informel et par conséquent non justifiable.
Alors que sa formation linguistique était terminée, Madame S pensait ne pas avoir à travailler, son mari étant retraité avec suffisamment de ressources pour subvenir à son existence.
Pourtant, des difficultés dans le foyer, l’ont conduite à envisager une recherche d’emploi. Grâce à l’accompagnement pédagogique mis en œuvre par les équipes du Greta, elle a identifié celui-ci comme un lieu « ressources ». C’est donc vers lui qu’elle s’est tournée pour être accompagnée dans ses recherches d’emploi lorsque sa situation est devenue critique. Inscrite à Pôle emploi, Madame S a intégré une formation préparatoire à l’emploi en septembre 2013. Cette formation financée par la Région ouvrait droit à une rémunération qui lui a permis de prendre en charge ses frais de base mais également de lever des freins liés à la mobilité, étant donné qu’elle habitait dans un village à 20 km du centre de formation. Grâce à ce dispositif madame S a découvert le monde du travail en France, l’environnement de l’entreprise, les exigences des employeurs et des repères administratifs. Les immersions en entreprise quant à elles lui ont permis de découvrir des postes de travail qu’elle ne connaissait pas et n’avait jamais exercé. Elle a pu acquérir des gestes professionnels, développer son expérience sur un poste où ses compétences antérieures étaient réutilisables. Mais surtout, elle a pu montrer ses aptitudes au travail avec des savoir-être particulièrement prisés par les employeurs : adaptabilité, dynamisme et investissement dans le poste de travail.
Les mises en situation de travail ont été primordiales dans le parcours d’insertion de Madame S pour plusieurs raisons : aucune expérience dans le métier visé – employée d'étage (ses expériences antérieures ne pouvaient pas être transposées telles quelles sur un poste de travail en France) ; difficultés à rentrer en contact seule avec les entreprises, à exprimer ses savoir-faire et à argumenter sa candidature lors des entretiens. Les périodes de stage ont permis à Madame S de montrer ce qu’elle était capable de faire et de le prouver à l’employeur.
Au final, ces périodes de stages en entreprise ont permis de lever les a priori de part et d’autres.
Le rôle du formateur a été important puisque le formateur a servi de médiateur entre l’employeur et madame S, tout d’abord pour décoder et expliciter les attentes des deux parties (présentation des objectifs de stage à l’employeur mais aussi des obligations à avoir envers l’employeur). Le suivi du formateur lors du stage a permis de clarifier les interrogations qu’avaient l’employeur mais aussi Madame S. La relation de confiance établie avec chacune des parties, le formateur a par conséquent été associé à la négociation d’un contrat de travail, contrat aidé de type CUI CAE de 6 mois.
La souplesse du dispositif de formation a permis de bâtir pour Madame S un parcours d’insertion sur mesure où les points de blocage ont été repérés puis levés. Le parcours a pu être prolongé jusqu’à ce qu’elle accède à l’emploi. Le suivi post formation du formateur a permis de consolider les liens entre Madame S et son employeur. A l’issue de ce premier contrat, Madame S a signé un CDI.
La réussite de cette d’insertion professionnelle tient surtout à la notion de parcours. La maîtrise de la langue française était le premier frein à lever notamment à l’oral. L’accompagnement du formateur a permis de pallier la non maîtrise de l’écrit. La formation préparatoire à l’emploi a permis un décodage de la législation du travail, la connaissance du bassin d’emploi, le travail sur les métiers et les compétences ainsi que les mises en situation professionnelles. Celles-ci ont été déterminantes pour Madame S qui a pu démontrer ainsi ses compétences.