Témoignages
Trois types de témoignages sont présentés : des récits de réfugiés, des parcours d'insertion vus du côté des professionnels et des initiatives racontées par les personnes qui les mettent en oeuvre. Ils montrent qu'une intégration professionnelle réussie demande l'implication conjointe de plusieurs acteurs. Ils sont accessibles soit directement soit par mots clés.
Comprendre et suivre les règles de l'entreprise
L’agence locale pour l'emploi de la municipalité d’Odense collabore avec IKEA et une association de femmes pour proposer des stages à des réfugiées ou primo-arrivantes ayant des compétences en langue limitée et pas ou peu d’expérience professionnelle au Danemark. Les compétences transversales suivantes ont été sélectionnées comme déterminantes pour améliorer leurs chances d’obtenir un emploi à la fin du stage :
- Motivation et engagement
- Langue et communication (compétences linguistiques et communication non verbale)
- Relations avec les collègues et les clients
- Être attentif et serviable
- Capacité de prendre des initiatives et la responsabilité de ses actions
- Capacité d’adaptation
- Ponctualité
- Présentation
- Qualité du travail
- Compréhension et exécution des instructions
- Ordre et propreté
Pendant les stages, le manque de compréhension des règles de l'entreprise a été la principale cause des malentendus, irritant et frustrant les cadres et les collègues. Une compétence supplémentaire a donc été ajoutée, Comprendre et suivre les règles de l'entreprise, déclinée de la manière suivante :
- Comprendre les règles relatives aux congés de maladie et agir en conséquence (quand et qui appeler en cas de maladie et, tout aussi important, quand ne pas le faire).
- Planification et gestion des rendez-vous avec les médecins, les travailleurs sociaux, les enseignants, etc. en dehors des heures de travail.
- Respecter les règles d’utilisation du téléphone portable sur le lieu de travail.
Il s’agit d’évaluer la capacité de la personne à concilier sa vie familiale et la vie professionnelle selon les attentes de l'employeur, ce qui pour beaucoup de femmes, est devenu l’un des principaux problèmes pendant le stage.
L’une des raisons est la forte identité familiale des femmes, combinée à leur manque d’expérience et de compréhension de la culture du travail occidentale, qui les amène à donner la priorité aux rendez-vous chez le médecin, aux appels téléphoniques de leur conjoint et de leurs enfants pendant les heures de travail ou à rester à la maison avec des enfants qui ne sont pas toujours très malades. Cela se traduit par un manque d’engagement et de motivation au travail et a laissé à de nombreux cadres l’impression que les femmes ne prenaient pas le stage au sérieux.
D’autre part, ces règles sont considérées comme naturelles par les Danois : elles ne sont donc ni formulées ni écrites. Il est donc difficile de les traduire et les stagiaires ont besoin d’aide pour les comprendre et les intégrer dans leur pratique, mais également pour comprendre pourquoi l’employeur y attache tant d’importance.
Les femmes qui ont réussi à répondre à ces attentes et à respecter ces règles, avec ou sans l'aide de leur superviseur ou de leurs collègues, ainsi qu’à démontrer les autres compétences recherchées, sont celles qui ont le plus progressé pendant leur stage. Ce sont également celles qui se sont vu offrir un poste à temps partiel ou un emploi aidé en fin de stage.
Un bilan de compétences suivi d’un parcours complet d’intégration incluant des stages en entreprise
Madame S est arrivée du Cameroun en France en 2011 dans le cadre d’un regroupement familial. Elle n’a jamais été scolarisée. Elle est analphabète mais se débrouille bien en calcul. Elle a plus de 45 ans et une longue expérience professionnelle dans le commerce en Afrique puisqu’elle était vendeuse sur les marchés.
Madame S a signé le CAI dans les 2 ou 3 mois qui ont suivi son arrivée en France. L’OFII lui a prescrit une formation linguistique dans l’objectif surtout de travailler les compétences écrites même si l’expression et la compréhension orale ont été également améliorées. En effet, son vocabulaire nécessitait d’être enrichi, Madame S ayant pratiqué dans le pays d’origine une langue vernaculaire.
Madame S a donc suivi le parcours FLE obligatoire de l’OFII mais aussi le parcours complémentaire là encore financé par l’OFII. Parallèlement, elle a pu réaliser un bilan de compétences également prescrit par l’OFII dans le cadre de la signature du CAI. Ce bilan a permis à madame S de prendre conscience et d’identifier les compétences qu’elle avait acquises tout au long de sa vie de travail même si celui-ci était dans le secteur informel et par conséquent non justifiable.
Alors que sa formation linguistique était terminée, Madame S pensait ne pas avoir à travailler, son mari étant retraité avec suffisamment de ressources pour subvenir à son existence.
Pourtant, des difficultés dans le foyer, l’ont conduite à envisager une recherche d’emploi. Grâce à l’accompagnement pédagogique mis en œuvre par les équipes du Greta, elle a identifié celui-ci comme un lieu « ressources ». C’est donc vers lui qu’elle s’est tournée pour être accompagnée dans ses recherches d’emploi lorsque sa situation est devenue critique. Inscrite à Pôle emploi, Madame S a intégré une formation préparatoire à l’emploi en septembre 2013. Cette formation financée par la Région ouvrait droit à une rémunération qui lui a permis de prendre en charge ses frais de base mais également de lever des freins liés à la mobilité, étant donné qu’elle habitait dans un village à 20 km du centre de formation. Grâce à ce dispositif madame S a découvert le monde du travail en France, l’environnement de l’entreprise, les exigences des employeurs et des repères administratifs. Les immersions en entreprise quant à elles lui ont permis de découvrir des postes de travail qu’elle ne connaissait pas et n’avait jamais exercé. Elle a pu acquérir des gestes professionnels, développer son expérience sur un poste où ses compétences antérieures étaient réutilisables. Mais surtout, elle a pu montrer ses aptitudes au travail avec des savoir-être particulièrement prisés par les employeurs : adaptabilité, dynamisme et investissement dans le poste de travail.
Les mises en situation de travail ont été primordiales dans le parcours d’insertion de Madame S pour plusieurs raisons : aucune expérience dans le métier visé – employée d'étage (ses expériences antérieures ne pouvaient pas être transposées telles quelles sur un poste de travail en France) ; difficultés à rentrer en contact seule avec les entreprises, à exprimer ses savoir-faire et à argumenter sa candidature lors des entretiens. Les périodes de stage ont permis à Madame S de montrer ce qu’elle était capable de faire et de le prouver à l’employeur.
Au final, ces périodes de stages en entreprise ont permis de lever les a priori de part et d’autres.
Le rôle du formateur a été important puisque le formateur a servi de médiateur entre l’employeur et madame S, tout d’abord pour décoder et expliciter les attentes des deux parties (présentation des objectifs de stage à l’employeur mais aussi des obligations à avoir envers l’employeur). Le suivi du formateur lors du stage a permis de clarifier les interrogations qu’avaient l’employeur mais aussi Madame S. La relation de confiance établie avec chacune des parties, le formateur a par conséquent été associé à la négociation d’un contrat de travail, contrat aidé de type CUI CAE de 6 mois.
La souplesse du dispositif de formation a permis de bâtir pour Madame S un parcours d’insertion sur mesure où les points de blocage ont été repérés puis levés. Le parcours a pu être prolongé jusqu’à ce qu’elle accède à l’emploi. Le suivi post formation du formateur a permis de consolider les liens entre Madame S et son employeur. A l’issue de ce premier contrat, Madame S a signé un CDI.
La réussite de cette d’insertion professionnelle tient surtout à la notion de parcours. La maîtrise de la langue française était le premier frein à lever notamment à l’oral. L’accompagnement du formateur a permis de pallier la non maîtrise de l’écrit. La formation préparatoire à l’emploi a permis un décodage de la législation du travail, la connaissance du bassin d’emploi, le travail sur les métiers et les compétences ainsi que les mises en situation professionnelles. Celles-ci ont été déterminantes pour Madame S qui a pu démontrer ainsi ses compétences.